5. Klicevac sous les Turcs

Carte
de l'empire ottoman |
Après la chute de Smederevo en 1459, la Serbie fut quatre siècles
durant sous la domination de l'Empire ottoman.
Les Ottomans laissèrent en place les structures de la société serbe.
La Serbie ne connut pas, contrairement à la Macédoine ou à la Bosnie
voisines, les conversions forcées à l'islam (même si de nombreuses
conversions se firent spontanément pour des raisons religieuses ou
par intérêt) et ne devint pas une colonie de peuplement ! ; l'autonomie
religieuse des Serbes fut respectée, et le patriarcat, suspendu en
1459, fut rétabli de 1557 à 1765. En revanche, les paysans serbes
étaient corvéables, soumis à l'impôt et au système féodal turc!; ils
devaient régulièrement donner leurs enfants au corps des janissaires.
En 1521, Soliman le Magnifique conquit Belgrade, qui passa aussi sous
la domination ottomane.
Cependant, face à cette domination, les Haïdouks, des paysans
en fuite, ne cessèrent de mener, depuis les montagnes, des actions
de guérilla. À partir du XVIIe siècle, leurs rangs se grossirent lors
de la lente reconquête entamée par l'Autriche, puis par la Russie
dans les Balkans et en Europe centrale. Certains Serbes préférèrent
s'exiler dans les provinces de la Hongrie méridionale à peine reconquises
par les armées de la Sainte Ligue et libérées lors de la signature
des traités de Karlovitz (1699) et de Passarovitz (1718) (nom germanique
de Pozarevac). Au service des Habsbourgs, ils se transformèrent en
de redoutables paysans-soldats des marches de l'Empire, occupant la
Krajina, longtemps disputée aux Ottomans. Les régions abandonnées
par les Serbes, quant à elles, furent bientôt occupées par des Slaves
et des Albanais islamisés, comme en Bosnie et au Kosovo. Entre 1718
et 1739, les Autrichiens occupèrent le nord du territoire serbe.
Le tefter de Branicevo
Sous l'empire ottoman, le territoire était découpé
en région appelée Sandjak ou Live, elle même composé de Nahije.
A la tête d'un Sandjak, était placé un Sandjakbeg ou un Merilive.
Le territoire sur lequel un Kadija exerçait une autorité judiciaire
était le Kadiluk. Le recensement turc de 1476 indique que le Sandjak
de Smederevo comptait 4 Kadiluks : Smederevo, Branicevo, Brvenik
et Srebrnica, dans lesquels il y avait 21 Nahijes.
Immédiatement après la conquête d'une région,
l'occupant turc réalisait un recensement de la population. Les terres
conquises étaient découpées en Timare et distribués aux plus vaillants
guerriers turcs. C'est en 1458 que les Turcs occupent Branicevo
et arrivent sur le Danube. Pour établir le taux d'imposition de
chaque foyer, les Turcs réalisent un recensement de la région de
Branicevo en 1467. Le tefter de Branicevo, appelé encore vilojet
ou subaluk, s'étendait alors sur les territoires compris entre,
à l'ouest la grande Morava, à l'est la rivière Pek, au nord le Danube
et au sud la rivière Resava et englobait les régions de Lucica,
Zrelo, Homolje, Zvizd, Resava et Resavica. La plus grande région
était Lucica avec 95 villages et 2114 foyers, le village de Lucica
avait à lui seul 94 maisons. Les villages du subaluk, comportant
plus de 50 maisons, étaient : Petka, Branicevo, Kostolac, Kisiljevo,
Hram, Dolnje Crnice et Klepecka. Le village de Klepecka, qui avait
80 maisons, était dispensé d'impôt, mais devait assurer le service
fluvial sur le Danube.
Le recensement de 1467, fait également état d'un
petit village appelé Klicevac offert, avec d'autres villages, au
sandjakbeg de Vidine Hasan-Alibeg, pour ses mérites pendant les
guerres. Klicevac appartenait à la région de Lucica et avait 14
maisons. Le village Drmno était plus petit avec 13 maisons, Kurijace
avait 21 maisons, Marjane 18, Zatonje 26, Biskuplje 29 et le village
Recica actuellement limitrophe de Klicevac n'était pas recensé et
donc n'existait pas.
Voici la liste des chefs de famille des 14 foyers
de Klicevac, qui ont vécu il y a 5 siècles :
Ivanis, fils de Radovan
Dejan, fils de Vukosav
Todor, frère de Dejan
Radosav, fils de Vukoslav
Jovan, fils de Brativoj
Brajan, fils de Brativoj
Djurdje, fils de Brativoj
Vladislav, fils du pope
Vlajko, frère de Vladislav
Dobresin, fils d'Ivan
Bogdan, fils d'Ivan
Rados, fils de Radovan
Radovan, pauvre
Jovan, immigré
A cette époque les gens s'appelaient par leur
prénom et n'avaient pas de nom de famille. Ils se différenciaient
par le prénom du père ou un surnom (Radovan le pauvre ou Jovan l'immigré).
Les prénoms de cette époque étaient sensiblement les mêmes que ceux
d'aujourd'hui.
Le but de ce recensement était d'établir le taux
d'imposition en argent et en nourriture, l'impôt du village était:
Ispenca : 350 aspres
Un dixième de blés : 34 luknos
Un dixième d'orge : 15 luknos
Un dixième d'avoine : 18 luknos
Un dixième de lentille : 10 luknos
Un dixième de miel : 50 aspres
Un dixième de vignoble : 10 aspres
Un dixième de lin : 10 aspres
Un dixième de légume : 16 aspres
Impôt sur le porc : 40 aspres
Impôt sur le bois : 8 aspres
Impôt sur le foin : 8 aspres
Total :1582 aspres
L'ispenca est un impôt par individu, il est de
25 aspres par personne et de 6 aspres pour une veuve. Les chrétiens
servant dans l'armée turque sont dispensés de cet impôt. L'aspre
est une monnaie en argent. La valeur exacte ce cette monnaie nous
est inconnue, on ne peut donc pas dire précisément l'importance
de cet impôt. Le village de Klicevac devant payer 350 aspres pour
14 personnes, il vient que chaqu'un devait payer 22 aspres.
Les céréales : blé, orge, avoine et lentille se mesurent en lukno.
Cette mesure était d'origine serbe, les Turcs l'ont adopté. Le lukno
de Branicevo comptait 4 jedrens, lequel comptait 18 oka, ce qui
donne pour un lukno 72 oka ou 92,36kg.
34 luka faisant 3228kg, il vient que chaque foyer devait verser
230kg de céréale. Si on ajoute à cela, le miel, le lin, les légumes,
les porcs, l'impôt était donc assez important. Ces données nous
donnent des informations sur l'élevage et la production à cette
époque. Il n'y avait pas de maïs (principale culture actuelle).
On cultivait à l'époque le blé, l'orge et l'avoine.
Le quotidien sous les Turcs
Les Turcs disposaient à cette époque d'une armée
très organisée surpassant les armées européennes. Cette armée était
composée en grande partie de Turcs, mais également de chrétiens
soumis après conquête. Les chrétiens formaient des armées de mercenaire
qui servaient à des missions précises.
Un grand nombre de chefs serbes, qui de différente
manière aidaient ou collaboraient avec les Turcs recevaient en échange
un Timare. Un Timare était composé d'un ou de plusieurs villages,
sur lesquels l'administrateur récoltait l'impôt. Dans le tefter
de Branicevo, les collaborateurs serbes, encore appelés Spahijes,
avaient 64 Timares et les Turcs 33. Le plus grand Timare appartenait
à 3 fréres Vukosav, Vojin et Jovan. Rien que Vukosav disposait de
5 villages : Batuso, Bubusinac, Brbnica, Doljna-Subska et Klenovnik,
qui lui rapportaient 11000 aspres. Les autres Serbes du tefter avaient
de petit Timare.
Pour son approvisionnement, l'armée turque faisait appel
aux artisans et aux éleveurs des villages avoisinant son
campement. Tous les corps de métier lui étaient nécessaires
: armurier, maréchal-ferrant, maçon, etc. Par exemple,
le village de Bokovik était dispensé de corvée, mais devait fournir
10000 lances par an à l'armée turque. Les villages de Kusiljevo
et de Vitezevo devaient quant à eux fournir 6 chevaux par an. Les
éleveurs valaques avaient droit à un statut particulier en
fournissant l'armée en bétail.
Le tefter de Branicevo donne une image claire
de l'organisation de la Serbie sous l'empire Ottoman. Un recensement
permettait de définir l'importance du tribut dû par
la population, et empêchait ainsi les excès de pouvoir
des Spahijes. Sans trop de résistance, la population accepta
et servi l'occupant turc. Une petite partie de la population se
converti même à l'islam et renia son peuple. Au fil
du temps, les Spahijes chrétiens se convertirent, vers la
fin du XVIème siècle tous les Spahijes étaient
musulmans.
Voici quelques détachements chrétiens
de l'armée turque :
Le corps des Martoloses était constitué de mercenaires
chrétiens, lesquels recevaient 1 pièce en or tous
les 8 jours. Son rôle était de se débarrasser
des Haïdouks (maquisards chrétiens). Après quelques
années de service, le chef était récompensé
d'un Timare. Le corps fut dissous au début du XVIIème
siècle. Le corps des Vojnuces, constitué également
de chrétien, devait assuré la sécurité
du territoire. Le corps de Derbencije était responsable de
l'entretient des routes et de leur sécurité. Une garde
formée d'habitant de Topolovnik devait garder la mosquée
du village.
Les incursions répétées des
Hongrois sur le territoire Ottoman obligea les Turcs à renforcer
la surveillance de la frontière sur le Danube. Pour cette
surveillance ils réquisitionnèrent les habitants chrétiens
des villages alentours. Klicevac fournie deux hommes et le village
Recica (première mention du village), limitrophe de Klicevac,
en fournie un. C'est le recensement de 1516 qui nous donne ces chiffres.
Il nous dit également que le village Klepecka (aujourd'hui
disparu mais dont un quartier de Klicevac porte le nom) en fournir
16. Cela nous permet de dire qu'à cette époque ce village était
plus grand que Klicevac.
Après la défaite de la Hongrie devant
les Turcs en 1526, la frontière de l'empire ottoman se déplaça
du Danube et de la Save vers le Nord, au-delà de Budapest.
La région de Branicevo n'étant plus située
dans une zone frontalière connue une paix de plus d'un siècle
(entre la chute de Buda en 1540 jusqu'à la guerre austo-turque
de 1683-1699). C'est en effet une guerre austo-turque qui brisa
cette paix. Le conflit se déroula en grande partie sur le
territoire serbe, il mit à feu la région et entraîna
un exode de la population. La victoire autrichienne mit en fuite
l'armée turque qui ne se gêna pas pour piller et brûler
tout sur son passage. De Belgrade à Nis toutes les villes
et tous les villages furent dévastés.
Klicevac
sous les Autrichiens
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